Le Niwaâd



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Titre : Le Niwaâd
     Auteur : Jean-Christophe Chaumette
     Sorti en 1997 (2019 présente édition)
     Lu en octobre
     Évidence Editions (Collection Imaginaire)
     Genre : fantastique

4eme de couverture

Pour Nashguen le boiteux, le Niwaâd n’était qu’un mot perçu au travers d’un songe brumeux, une quête absurde qui lui évitait de sombrer dans la folie et qui le maintenait accroché à la vie.

Mais pour d’autres, il évoquait les plus lourds secrets du clergé, enfermés au cœur des cryptes des terres noires, l’impitoyable lutte entre prêtres et blasphémateurs, les mystères de l’origine du monde.

Et cette quête, jusqu’où l’entraînerait-elle ? Au-delà du grand mur derrière lequel s’étaient retranchés les dieux ? Et là-bas, que trouverait-il vraiment ?

Je remercie Evidence Editions et l’opération Crazy Books Day pour cette superbe, que dis-je, merveilleuse découverte !





      Une claque dans la figure. Un livre qui chamboule, percute, remue. Une histoire forte, intense, pénétrante. J’ai refermé Le Niwaâd dans un soupir, laissant les émotions atteindre mon corps, puis mon coeur et finalement mon esprit, peut-être même mon âme. Un état de quasi-harmonie, quelques brefs instants durant lesquels plus rien n’a d’importance, le présent éclabousse tout le reste et s’impose en maître. La vie et la quête poursuivie par le lutteur Nashguen ne peuvent laisser de marbre, elles vous aspirent dans un tourbillon infernal, dans une aventure que vous n’êtes pas prêts d’oublier. Leur attraction était telle que j’ai glissée sur les pages comme la douce brise du vent caresse les visages, j’ai plané aussi haut que le permet l’art des mots…


     Quelle merveilleuse idée que celle d’avoir réédité ce livre sorti en 1997, nul doute que jamais ce titre n’aurait rencontré ma route autrement et cela aurait vraiment été regrettable. L’envie de le lire et de le relire, encore et encore, s’empare de moi à mesure que je rédige cette chronique. Les images et messages véhiculés par l’histoire m’envahissent, investissent mes pensées les plus lointaines, élisant domicile dans mon coeur de lectrice. Rares sont les ouvrages qui laissent une empreinte aussi profonde, une marque indélébile et un souvenir aussi palpable. Comblée. Conquise. Envoûtée… Les mots sont si faibles, si creux pour exprimer mon ressenti, pour retranscrire et partager tout ce que j’ai vécu et traversé en parcourant ces pages de longues heures durant...


     Le Niwaâd est bien plus qu’une simple histoire, terriblement plus qu’un banal récit de fantaisie, c’est un voyage à travers le temps, une épopée au cœur de la noirceur de l’homme mais surtout : une redoutable satire d’un monde fonctionnant à deux vitesses. Jean-Christophe Chaumette nous invite à pénétrer dans un univers sombre et impitoyable dans lequel se battre fait partie du lot quotidien, un monde de combat et de misère ; la mort est une vieille amie que l’on a apprivoisée et le bonheur n’est qu’une sordide illusion en laquelle seule une poignée d’individus osent encore croire. L’amour ? Un signe de faiblesse plus qu’une force, ce que l’on cache voire répudie. Saupoudrez généreusement ce sinistre tableau d’une dose de fanatisme religieux et vous obtenez un récit atrocement savoureux et divinement malsain. 



Image parFree-Photos de Pixabay


      Le Niwaâd… Le Niwaâd… Titre éponyme du livre, litanie entêtante, objet de désir et de convoitise dont on ignore tout ou presque, le Niwaâd représente une quête éperdue que seule la volonté d’un lutteur fou anime. Cet homme porte le nom de Nashguen, son parcours atypique et sa détermination sans failles le distinguent des autres, l’élèvent au-dessus de la mêlée générale, de cet amas grouillant qui ne permet plus de différencier les visages. Nashguen est investi d’une force sans précédent, de son corps émane ce petit quelque chose qui le rend surpuissant, cet étrange pouvoir que nul n’est en mesure de définir clairement mais que certains nomment : transe amok. Peu à peu les traits de ce vieillard nous deviennent familiers, le ton qu’il emploie reconnaissable parmi tous, son apparente sagesse semble incontestée, il fascine autant qu’il effraie et je dois bien reconnaître que je me suis attachée à ce vieux monsieur et à sa quête du Niwaâd. J’étais, moi aussi, animée par une envie, celle de l’aider et de l’accompagner, de le voir réussir là où les autres ont échoué. 


       Nashguen vit, lutte, survit dans un monde qui n’est que le reflet de la misère et de la violence, un monde dominé par une religion totalement abjecte qui asservit les hommes en plus de les corrompre. Semblable à une immense pieuvre dont les énormes tentacules s’emparent des individus, la religion aspire les pensées et astreint tout le monde à croire en elle, à la vénérer plus que toute autre chose. En ce sens, les épigraphes correspondant au Livre D’Uzmul sont très révélatrices de l’idéologie qui régit ce monde. C’est un livre dans le livre dont je me suis délectée de chaque passage, savourant chacune des phrases et le moindre mot. Partout, des émissaires sillonnent la carte afin de répandre ce qu’ils pensent être la bonne parole, partout on s’abreuve des propos qu’ils tiennent et on s’empresse de les vénérer telles les idoles qui contribuent à changer la face du monde.



      Quelques noms viennent épauler le lutteur, lui insuffler la force nécessaire pour braver les dangers et affronter tous les obstacles. Slim Ali le griot et Al-Moutawakkil le prévôt partagent sa route et l’accompagnent dans ses nombreuses traversées du désert. L’un chante, l’autre commande, ils viennent de deux milieux totalement différents et se retrouvent pourtant à suivre les élucubrations du vieil homme, contaminés par sa sympathie et l’aura qu’il dégage. Une belle amitié est dépeinte et mise en lumière par ces trois valeureux personnages, par la croyance en leurs idées, la volonté et la détermination qu’ils déploient pour atteindre leur but. Ils apparaissent comme une lumière dans l’obscurité d’un univers beaucoup trop sombre, comme un phare qui illumine tout ; unique point de repère dans les méandres de l’horreur. 


    Le récit est divisé en deux parties symbolisant les deux faces d’un même monde, deux faces qui évoluent parallèlement mais à des vitesses différentes. La première partie présente une vie sombre, de misère, des peuples peu évolués qui ne jurent que par les affaires et la violence, des populations qui connaissent la mort et la faim, qui les côtoie chaque jour sans oser penser à demain. La première partie plante les piliers et ajuste les structures là où la seconde partie invite à regarder la construction d’un œil plus critique, à se rendre compte à quel point elle est aussi branlante qu’illusoire… Là où dans la première moitié du récit les personnages vivent dans l’insalubrité et la pauvreté, les personnages de la seconde moitié vivent dans un monde presque opulent dans lequel la technologie dicte la vie de tout un chacun. Ces deux réalités sont étroitement liées sans en avoir réellement conscience et leur confrontation est aussi brutale que nécessaire. Le livre a été édité en 1997 et pourtant… il décrit déjà avec une redoutable précision et un œil très critique la place sans cesse grandissante du progrès dans nos vies et plus particulièrement du numérique, je peux vous assurer que c’est glaçant de réalisme.


      Deux vitesses. Le Sud d’un côté, le Nord de l’autre. La pauvreté et le manque de développement, la richesse et les technologies. La famine et les guerres, le consumérisme et la prétendue assistance. L’un vit aux crochés d’un autre qui lui décoche des coups de pied dans les flans et lui dégueule à la figure. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Cela ne convoque-t-il aucune image en vous ? Aucun souvenir ? On cache ce qui n’est pas beau, on s’abrite derrière des châteaux de verres, tout doit briller et rien ne doit venir ternir l’éclat des ces prisons de cristal. Le Sud n’est qu’un réservoir pour le Nord, pour ces belles terres qui « veillent » et se servent gracieusement, prélevant ainsi un tribu plus que conséquent. On endort l’autre avec de belles histoires tout en s’assurant que jamais il ne puisse se rebeller, qu’il ne soit jamais en mesure d’ouvrir les yeux et d’inverser le cours des choses. Malsain et perfide, ce système ne profite évidemment pas à tout le monde et l’auteur s’emploie à le démontrer. Satire d’un monde vil et corrompu, d’un mécanisme depuis longtemps obsolète mais que l’on s’évertue à gracieusement huiler, encore et encore, dans l’espoir de garder la mainmise sur un édifice dont il ne reste que des cendres… 


    Ce que j’ai aimé les longues descriptions, ces passages à n’en plus finir décrivant avec moult détails la noirceur et la dureté de leur existence, les mots qui volaient et que je saisissais au vol comme le plus précieux des trésors, les sons qui résonnaient à mes oreilles comme une mélodie aussi rocailleuse qu’harmonieuse. Je me suis délectée de cette plume, du style et des messages, de la symbolique et du ton. Je lisais à voix haute pour donner vie à la moindre syllabe, pour écouter le craquement des os et sentir l’odeur de la mort, pour m’immerger plus intensément dans cet univers, pour plonger au cœur de la souffrance et vivre la terrifiante expérience qu’offre l’histoire de toutes ces personnes. L’envoûtement de la plume est tel que je vais la suivre, la lire et la relire à en avoir mal aux yeux, je vais explorer l’univers de l’auteur jusqu’à m’y perdre… 





Image parKaren Smits de Pixabay

     En plus d’être éprouvante, cette lecture fut aussi percutante que bluffante. Je suis béate d’admiration devant le talent de l’auteur, sa plume aussi juste qu’incisive, la cohérence de son récit et la manière que tous les éléments ont de s’emboîter entre eux à la perfection. On s’écarte parfois de la quête du Niwaâd au cours de la lecture, ce n’est qu’un moyen de nous faire vivre plus intensément l’histoire, de nous imprégner davantage de l’ambiance, de cette atmosphère si particulière et tellement malsaine. Ce livre c’est une gigantesque toile qui se referme et dans laquelle d’innombrables et minuscules insectes gesticulent sans se douter une seconde de ce qui les attend. La notion de porte est très intéressante dans le livre, une porte c’est ce que l’on décide d’ouvrir ou de fermer, de condamner ou de laisser entr’ouverte, elle permet d’entrer ou de sortir, de quitter une zone pour en intégrer une autre. C’est un passage, une transition… La symbolique de la porte amène, dans ce livre, de très nombreuses idées qui viennent nourrir la réflexion centrale et l’alimente en flux continu. Il ne s’agit pas d’introduire le macabre, le dégoûtant, le répugnant et la religion, de les assembler et d’observer le résultat, Jean-Christophe Chaumette se sert de ces notions comme des couleurs d’un tableau qu’il veut le moins édulcoré possible. C’est un travail de précision, un juste dosage à respecter, un minutieux assemblage qui dévoile toute sa puissance et son ingéniosité une fois les derniers mots couchés sur le papier. 


     En définitive, Le Niwaâd est sans doute ma claque littéraire de 2019, incontestablement le livre qui laissera l’empreinte la plus vive dans mon esprit. Je suis tombée sous le charme du personnage de Nashguen, ce lutteur en quête du Niwaâd, j’ai été envoûtée par la plume de l’auteure, aspirée par le tourbillon des images qui dansent, par cette ambiance unique et ce regard critique d’un système devenu obsolète. La beauté de la plume renforce la violence des scènes et sublime l’horreur d’un monde à l’agonie. Jean-Christophe Chaumette décrit avec minutie l’évolution de deux mondes, les liens qu’ils entretiennent et la manière dont l’un agit sur l’autre mais surtout : la façon dont ils se rencontrent et se percutent. C’est un récit profondément éprouvant, nécessaire et satirique, un ouvrage d’un réalisme effarant et d’une beauté à couper le souffle. Je ne peux que vous inviter à parcourir ce livre, à laisser votre esprit vagabonder ainsi qu’à plonger sans retenue dans l’univers du Niwaâd...


3 raisons de le lire

- Une claque littéraire
- Une incroyable maîtrise des mots
-  Des thématiques et messages actuels et profondément éprouvants



Commentaires

  1. Ahhhh ! La claque de l'année, on l'attendait impatiemment ! :D
    Merci pour cette chronique riche et aussi intense que le texte que tu chroniques. Tu es la meilleure ♥

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    1. Ouiii, elle est enfin arrivée !! :)
      Merci à toi, tes commentaires me font toujours un bien fou ♥♥♥

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  2. Une chronique qui rend ce livre très attreyant mais malheureusement trop sombre pour moi

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    1. Merci beaucoup! Pour le coup la première partie est vraiment très très sombre et je comprends que l'on ne soit pas attiré.

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  3. Mamamia, je l'ai lu dans sa version précédente, quels souvenirs tu me rappelles ma belle ! C'est effectivement un roman exceptionnel, d'une richesse hors du commun, je n'ai jamais lu quelque chose d'aussi complet et surtout fort en réflexions...

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    1. Je suis totalement d'accord avec toi et je suis heureuse de l'avoir découvert cette année! Je ne sais pas si je l'aurais autant apprécié par le passé...
      Une superbe claque dans la figure, je pense que je le relirai, ne serait-ce que pour les réflexions et l'univers...

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  4. Je trouve ton article vraiment génial mais malheureusement, je ne suis pas plus tentée que ça par la lecture de ce livre :(

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    1. Je me doute, le côté trop sombre et celui plutôt SF ne sont pas vraiment pour toi :(

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  5. Wow on sent que tu as été vraiment convaincue ! Malheureusement, c'est trop dans l'imaginaire pour la fan de contemporain que je suis, mais je suis contente de voir ton enthousiasme ! :)

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    1. Oui, j'ai rarement d'aussi bonne lecture ! :)
      Je peux comprendre, et j'aimerai d'ailleurs lire un peu plus de contemporain :)

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  6. Aaah, je prends enfin le temps de lire cet article ! :D
    S'il faut avouer que c'est parfois drôle /intéressant de lire les coups de gueule, les coups de cœur passionnés sont aussi un véritable délice, et le tien n'échappe pas à la règle ! *-*
    Toi qui me disais, la dernière fois où l'on s'est vues, que tu n'avais toujours pas eu de coup de cœur pour cette année, je suis super contente que ce soit maintenant le cas ! :D

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    1. Oh, rien ne t'y obliges, c'est gentil :3
      Merci beaucoup!! Pour le coup j'ai énormément apprécié cette lecture et je voulais que cela se ressente. C'est suffisamment rare pour que je le souligne :)
      Totalement! Je ne sais pas si je peux parler de coup de coeur mais c'est ce qui s'en rapproche le plus :D

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